







Paysages bruts
Iseult Labote photographie des chantiers, cherche la poésie et la sublimation esthétique dans des matériaux industriels, sur des sites de construction. Iseult Labote sculpte aussi.
A partir de ciment, de sable, de pigments – matériaux fondamentaux – elle forme des bases, comme des petites dalles en béton coulé, sur lesquelles sont fixés des fragments d’ardoise, d’asphalte, de carottes de forage. Elle construit et propose un monde, ou plusieurs mondes en devenir. Cette série de sculptures se présente comme une suite de petites scènes de jeu au décor miniaturisé. Ces espaces peuvent aussi bien évoquer un milieu terrestre, marin ou lunaire, appartenant au passé, au présent ou au futur. Avec leurs fondations primordiales, ces sculptures sont telles des maquettes archéologiques, des projets d’architecture brutaliste ou encore des projections d’un monde en devenir. Elles sont nourries et chargées des recherches caractérisant le travail de l’artiste, qui questionne les paysages et les environnements que les humains construisent déconstruisent et, dans lesquels ils naissent, évoluent et s’éteignent.
Elles s’attachent aussi peut-être à dévoiler la puissance expressive du minéral, qu’il soit industriel ou naturel et, qui sait toujours se vêtir de la solennité de l’éternité. Face à cette série, le spectateur peut devenir le témoin de bribes, de reliques du passé qui cherchent à transmettre leur histoire à travers la roche. Il peut aussi prendre le rôle du démiurge, ayant le pouvoir de voir et imaginer simultanément le futur de différents mondes possibles, à travers les formes qui se détachent du magma des socles pour s’élever. Suivant un processus d’apparition puis d’épanouissement, les civilisations les plus brillantes ont dominé et sculpté le monde à leur avantage avant de disparaître. Or, la disparition n’est pas nécessairement suivie par l’oubli et, la pierre comme le rappelle le travail d’Iseult Labote, parle à celui qui la regarde.
Tantôt jardin zen au socle de sable, tantôt érection de menhirs ou alignement de statues de l’Ile de Pâques, ces sculptures soulignent ce qui unit les humains à travers le temps et l’espace, par le biais d’une matière inerte, qui pourtant peut devenir le vecteur d’une réflexion spirituelle. En résonnance avec sa série de sculptures, l’artiste développe un travail de photographies de paysages. Les clichés mêlent des prises de vues en extérieur, dans des espaces naturels existants et des gros plans, pris précisément sur les maquettes sculptées.Bien que la roche paraisse immuable, les images d’Iseult Labote soulignent la relativité de notre compréhension visuelle et la force des apparences trompeuses. Le filtre médiatique de la photographie devient une nouvelle strate de la mise en abîme initiée pas les sculptures.
Ainsi c’est ici la question du réel, de sa validité, de sa relativité et de la capacité des humains à le percevoir qui est posée. La démarche et la recherche même de l’artiste pousse et repousse la définition de la réalité pour ouvrir un champ de réflexion partant, ici, de ce qui est sous nos yeux, la matérialité la plus concrète de la pierre.

In situ : « Exodes & Racines, » FIFDH (Festival International du Film sur les Droits Humains), 2018.
